GUERRE JUSTE ET PAIX JUSTE
4.2 Islam et violence
4.2.1 Introduction
L’islam et la violence sont souvent associés l’un à l’autre. Plusieurs événements qui n’ont pas fait honneur au véritable islam ont eu lieu dans le passé. Pensez à l’attaque du World Trade Center le 11 septembre 2001, à la création d’organisations extrémistes comme ISIS en 2014, aux attaques terroristes dans certaines villes européennes. Bien entendu, cela a souvent donné une image négative de l’Islam dans les médias.
Bien que ces événements aient eu lieu à l’initiative de groupes islamiques, leurs actions sont en contradiction flagrante avec les enseignements de l’Islam. Ces groupes extrémistes justifient leurs actions en les appelant “jihad”, mais ce terme est utilisé à tort pour justifier la violence.
Bien que le radicalisme et l’extrémisme aient souvent été associés à l’Islam au cours des deux dernières décennies, la violence n’est pas du tout inhérente à l’Islam. Après tout, l’islam interdit le recours à la violence contre quiconque, sans distinction entre croyants et non-croyants. Il est vrai que le Coran contient certains versets sur la violence, mais nous devons toujours les comprendre dans leur contexte approprié. Dans notre société actuelle, il n’est pas question d’interpréter et d’appliquer les versets coraniques de manière littérale. Cela ne serait pas conforme à l’intention du texte
Le radicalisme et l’extrémisme ont pris différentes formes au fil des ans. Au siècle dernier, nous avons dû faire face à des organisations et des groupes d’extrême droite. L’extrémisme communiste a également eu un impact négatif sur la société occidentale. Ces dernières années, nous avons également dû faire face à la montée du radicalisme islamique. Il en ressort que la violence n’est pas nécessairement inhérente à une foi, une philosophie ou une idéologie particulière, mais que de nombreux facteurs différents conduisent à l’extrémisme. Cela découle de différentes croyances, philosophies et idéologies, et l’Islam n’a aucun brevet à ce sujet. Ceci est également confirmé par l’écrivain et intellectuel israélien Amos Oz:
“Le fanatisme n’est pas seulement l’héritage d’Al-Qaïda ou d’IS, de Jabhat Al-Nusra, du Hamas et du Hezbollah, des néo-nazis, des antisémites, des penseurs de la supériorité blanche, des islamophobes, du Ku Klux klan, des hooligans des collines et autres qui font couler le sang au nom de leurs croyances. Tous ces fanatiques et ce qui leur ressemble - nous les connaissons tous. Ils nous regardent jour après jour depuis l’écran de télévision, agitant avec passion les poings serrés devant les objectifs des caméras, hurlant toutes sortes de slogans éculés dans le microphone...”1
La violence n’est pas inhérente à la religion, mais l’homme lui-même utilise la religion pour ses propres intérêts. Tout ce qui se retrouve entre les mains des gens peut mal tourner. L’objet le plus sublime entre les mains des gens peut aboutir au mal. En latin, elle s’exprime par “Corruptio optimi pessima” ou “Le meilleur devient le pire quand il se transforme en son contraire”.
4.2.2 Les concepts de violence
Avant d’approfondir le contenu, il convient de de définir quelques concepts sur la violence tirés du Coran, des hadiths et de la théologie islamique:
1. Le jihad: D’un point de vue linguistique, jihad signifie “faire un effort”. Le
terme est généralement utilisé dans le contexte d’actes de guerre ; faire
un effort dans la guerre. Mais dans le sens global du jihad tel que nous
l’adoptons dans ce manuel, la guerre n’est qu’une petite partie. Divers
érudits islamiques attribuent treize significations au terme jihad. Le sens
profond est donc de faire un effort, mais pas nécessairement dans un
contexte de guerre. On peut, par exemple, faire des efforts pour la justice,
pour une société qui fonctionne bien,...
2. Al-Qital: Linguistiquement, cela signifie combattre. Ce terme est aussi
généralement utilisé dans un contexte de guerre, mais comme le jihad, il
a un sens plus large.
3. Al-Harb: Littéralement, cela signifie la guerre, comme deux pays qui
s’attaquent l’un à l’autre. Al-Harb diffère fondamentalement du jihad. La
guerre consiste principalement à dominer et à conquérir l’autre. Le jihad
représente les efforts à fournir pour assurer la sécurité générale.
4. Al-Unf: Littéralement, cela signifie la violence. Bien que Al-Unf soit
souvent associé à l’Islam, le terme n’est mentionné nulle part dans le
Coran.
5. Al-Irhab: Al-Irhab est synonyme de terrorisme. Le terme “terroriser” est
mentionné dans le Coran, dans la sourate Al-Anfal, verset 60, où il est dit:
“Et utilisez tous les moyens de pouvoir dont vous disposez, y compris
les destriers de guerre, pour terrifier/ terroriser l’ennemi d’Allah,
votre ennemi et les autres.”2 (Al-Anfal:60) Il est important d’interpréter
correctement le terme terroriser. Terroriser ne signifie pas ici commettre
des actes de violence comme dans les récentes attaques terroristes,
mais plutôt impressionner l’autre partie afin de se faire respecter.
4.2.3 Utilisation de la violence pour le changement
Il y a des groupes islamiques qui sont convaincus qu’ils ne peuvent apporterdes changements sociaux qu’en utilisant la violence. Pour eux, la fin justifie tous les moyens, comme les attaques terroristes contre des innocents. Pourtant, de tels actes sont absolument interdits et en aucun cas prescrits par le Coran. Pourtant, les adeptes de ces groupes continuent de prétendre que diverses règles islamiques justifient ce comportement. Ils utilisent la stratégie suivante3 :
Premièrement, ils tentent de saper la légitimité d’un chef d’État. Si le chef d’État est un musulman, ils le qualifient comme non-musulman. Ils prétendent ensuite que le chef d’État n’applique pas les lois islamiques. C’est encore plus facile lorsque le chef d’État n’est pas musulman. Ensuite, ils démontrent avec encore plus de conviction que les lois islamiques ne sont pas appliquées: comme le fait qu’ils soient des alliés des pays occidentaux. Selon eux, cela suffit à ne pas accorder l’autorité à un chef d’État et à se rebeller contre lui. Ils exhortent à déposer le chef de l’État par tous les moyens, y compris la violence.
Dans la théologie islamique, cette question est appelée “Takfier”. C’est une question très sensible dans laquelle un musulman est considéré comme un non-musulman.
Il n’appartient pas à un musulman de juger l’expérience religieuse d’autrui. Il existe des situations dans lesquelles des personnes admettent ouvertement ne plus être musulmanes (ou ne plus vouloir l’être). Dans ce cas, il est clair que la personne elle-même ne souhaite plus être considérée comme un musulman, mais il faut souligner qu’il n’y a aucune conséquence à cela. Encore une fois, il n’appartient pas à un musulman de juger ou de sanctionner l’expérience religieuse de quelqu’un d’autre. D’ailleurs, le Coran prévoit cette liberté de choix, il dit: “Il n’y a pas de contrainte dans notre religion.’’ (AlBaqara : 256)
Deuxièmement, ils vont inciter la population à déposer le chef de l’État. Pour cela, ils justifient même la violence pour atteindre leur objectif. Cela provoque souvent le chaos et un camp de partisans et d’opposants au sein de la société. Le chef d’État est qualifié ‘’d’apostat” qui peut être assassiné en raison de sa non-application des lois islamiques. Il s’agit d’un point de vue très véhément qui contraste fortement avec le verset coranique ci-dessus qui souligne qu’il n’y a pas de contrainte en religion. Par conséquent, il n’y a pas de déposition ou de meurtre. De plus, un verset du Coran déclare: “La vérité vient de votre Seigneur. Que celui qui le veut croie. Que celui qui ne veut pas, ne croie pas.”4 (Al-Kahf:29). Nous devons laisser chacun libre d’appliquer et de croire ce qu’il veut.
Ainsi, la violence n’est en aucun cas un moyen de faire évoluer la société. La violence est désapprouvée. Toutefois, il existe des situations spécifiques où la violence est autorisée, à savoir la guerre pour la protection. Lorsqu’un pays musulman est menacé et que toutes les alternatives pour arrêter la violence ont été épuisées, on peut résister par la violence à condition de suivre les règles strictes de la guerre dans l’Islam. Les règles sont les suivantes:
1) Lorsque toutes les alternatives pour mettre fin à la violence ont été
épuisées.
2) Quand une injustice est faite à un pays.
3) Lorsque des personnes sont chassées de leurs foyers.
4) Il est interdit de tuer des femmes, des enfants, des personnes âgées
ou malades (c’est-à-dire uniquement des soldats dans une guerre).
5) Respect de la nature et des animaux.
6) Le respect du domicile des personnes.
7) Le pillage n’est pas autorisé.
Toutes ces règles ont pour seul but de protéger. Ces règles se trouvent,
entre autres, dans le verset ci-dessous et dans la sunnah du prophète:
“Allez tous les deux (Moïse et son frère) chez Pharaon, car il a dépassé
les bornes. Parlez-lui à la fois avec douceur. Peut-être qu’il le prendra à
cœur.”
(Ta-Ha: 43,44) Les savants déduisent de ce verset qu’il faut d’abord
choisir la voie diplomatique pour mettre fin à la violence. Car Pharaon est
connu comme un grand tyran et pourtant Allah ordonne à Moïse et à son
frère Haroon de lui parler doucement.
Les autres règles se trouvent dans le verset suivant:
‘’Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) -parce que vraiment ils sont lésés; et Allah est certes Capable de les secourir. Ceux qui ont été expulsés de leurs demeures, -contre toute justice, simplement parce qu’ils disaient: Allah est notre Seigneur.’’5 (Al-Hajj / 39: 40)
Ceci est également souligné par Abu Bakr As-Siddiq, un proche compagnon et successeur du prophète Mohammed. Il dit à l’un de ses commandants militaires : “Je te conseille les dix choses suivantes (concernant les règles de la guerre). Ne tuez pas les femmes ou les enfants, les personnes âgées ou les malades. Ne coupez pas et ne brûlez pas les arbres, surtout s’il s’agit d’arbres fruitiers. Ne détruisez pas les lieux habités. Ne pas tuer d’animaux, sauf pour la nourriture. Ne brûlez pas les abeilles et ne les dispersez pas. Ne volez rien de ce qui a été saisi pendant la bataille. Et n’agissez pas lâchement.”6 (Al-Muwatta, Volume 21, Hadith 10)
Dans un autre hadith, Abu bakr ajoute qu’il ne faut pas non plus attaquer les prêtres et les monastiques et qu’il ne faut pas détruire leurs lieux de culte. Les bâtiments doivent également être laissés intacts. Même la consommation du lait des animaux est strictement interdite, sauf avec l’autorisation des propriétaires.
Ainsi, faire la guerre est soumis à des règles strictes basées sur le Coran et la sunnah.
4.2.4 EXERCICES
Exercice 1:
Soulignez la signification correcte du terme
1. Linguistiquement, le djihad signifie
Guerre - Faire un effort – Violence
2. Al-Qital signifie
Guerre - Combat - Terroriste
3. Al Harb signifie
Guerre - Extrême - Islam
Exercice 2
Répondez aux questions suivantes.
1. Comment pouvez-vous appliquer la signification linguistique du djihad dans votre vie quotidienne?
2. Chaque individu peut-il appliquer Al-Qital et Al Harb. Expliquez pourquoi ou pourquoi pas. Non. Elle est réservée aux chefs d’État et est soumise à de nombreuses règles. Les règles sont les suivantes:
4.3 LE DJIHAD SPIRITUEL jihad
4.3.1 INTRODUCTION
Le jihad spirituel est le grade le plus élevé du jihad et signifie que le musulman doit faire tout son possible pour être une bonne personne. Il le fait en remplissant ses obligations religieuses telles que les obligations envers Allah, envers lui-même et envers son prochain.
4.3.2 RELATION TRIANGULAIRE
Dans l’Islam, il y a toujours une relation triangulaire importante entre:
1. Un individu
2. Son prochain ou l’autre
3. Allah
Il incombe à chaque musulman de maintenir l’harmonie entre ces différentes relations. Cela fait partie du djihad spirituel, à savoir l’accomplissement de ses obligations religieuses afin d’atteindre et de maintenir l’harmonie au sein de la relation triangulaire. Le respect de cette obligation ne va évidemment pas de soi. C’est pourquoi le “jihad” signifie faire un grand effort. Selon les règles islamiques, une personne doit purifier son âme, car l’âme est le noyau de la personne. En nettoyant son cœur, une personne peut réussir à maintenir une relation harmonieuse avec elle-même, avec l’autre et avec Allah. Dans le Coran, cela est cité comme suit: “En vérité, celui qui la purifie (l’âme) (des péchés) réussira. Et en effet, celui qui la corrompt perdra.”7 (Ash-Shams : 9 et 10).
Nettoyer l’âme des désirs et maintenir toujours l’harmonie au sein de la relation trinitaire demande évidemment beaucoup d’efforts. Elle fait donc partie du jihad spirituel.
Exercice1 1: Relation triangulaire
Dans l’Islam, il existe toujours une importante relation triangulaire entre
l’individu (moi), le prochain (l’autre) et Allah. Dans la relation avec lequel
de ces trois facteurs tente-t-on d’atteindre l’harmonie dans les exemples
ci-dessous?
Remplissez la colonne et choisissez entre: Moi – L’Autre - Allah
DESCRIPTION
QUI??
Jareer Ibn Abdullah a narré: “Le prophète a dit: “Celui qui n’a pas de miséricorde pour les gens, n’aura pas de miséricorde... “.
Le culte spirituel
Vivre sainement
“La meilleure façon de se remémorer Allah est de réciter la Shahada. Il s’agit de Laa illaaha illa Allah et signifie “Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah”.
Donner de la nourriture
“Pour celui qui suit un chemin pour acquérir la connaissance, Allah lui facilitera le chemin du paradis”.
GLOSSAIRE
Le djihad:
Linguistiquement, djihad signifie “faire un effort”.
Al-Qital
Linguistiquement, cela signifie combattre.
Al-Harb
Littéralement, ça veut dire guerre.
Al-Unf
Dignifie littéralement “violence”.
Al-Irhab
Al-Irhab est synonyme de terrorisme.
Takfier:
Déclarer quelqu’un comme étant un non-musulman.
Le jihad spirituel:
Un musulman doit faire tout son possible pour être une bonne personne.
Hikma
Sagesse ultime.
An-Nafs Al-Ammara
L’âme désirable.
An-Nafs Al-Lawama
L’âme qui réprimande.
An-Nafs Al-Moetma-iena
L’âme stable/tranquille.
Bataille d’idées
Une bataille figurative de différentes idéologies.
Jihad environnemental:
Faire tous les efforts nécessaires pour bénéficier de l’environnement au
sens large.
Le jihad social:
Faire des efforts pour prendre soin de soi et des autres dans la société.
Le jihad économique
Soutenir financièrement et faire vivre sa famille, ses parents, ses proches
et tous ceux dont on a la responsabilité financière.
Bibliografie
O. AMOS, Dear Fanatics, Trois essais, Amsterdam, De Bezige Bij, 2017.
Y. ALQARDAWI, Fiqh Aljihad, Dirasat Muqaranatu Li-Ahkamihi wa Falsafatihi di daw al-Quran wa
As-Sounna, Le Caire, Dar Al-Koutboub Al’lmiya, 2009.
MALIK, al-Muwatta, Beiroet, Dar Iyha Attourat Alarabiya, 1985.
Y. ALQARDAWI, Fiqh Aljihad, Dirasat Muqaranatu Li-Ahkamihi wa Falsafatihi di daw al-Quran wa As-Sounna, Caïro, Dar Al-Koutboub Al’lmiya, 2009.
Y. ALQARDAWI, Fiqh Aljihad, Dirasat Muqaranatu Li-Ahkamihi wa Falsafatihi di daw al-Quran wa As-Sounna, Caïro, Dar Al-Koutboub Al’lmiya, 2009.
Y. ALQARDAWI, Fiqh Aljihad, Dirasat Muqaranatu Li-Ahkamihi wa Falsafatihi di daw al-Quran wa As-Sounna, Caïro, Dar Al-Koutboub Al’lmiya, 2009.