GUERRE JUSTE ET PAIX JUSTE
4.2 Guerre sainte ou pacifisme ?
Parler de guerre et de paix s’est fait en tous temps. Parler de la guerre et de la paix est également très présent dans la tradition juive. La guerre et la paix, en particulier, sont toutes deux présentes dans la Torah. D’une part, la Torah souligne l’importance absolue de la paix et de l’harmonie entre et au sein de tous les peuples. Le mot « shalom », qui signifie, entre autres, « paix », en est un exemple central. D’autre part, la Torah contient également de nombreuses histoires de guerre. Ces deux factions ont leur propre théorie : le pacifisme, d’une part, la guerre sainte, d’autre part.
1. Le pacifisme est une attitude ou une doctrine qui recherche la paix et désapprouve le recours à la force pour résoudre les conflits (entre nations).
La construction d’un pouvoir politique est hors de question. Selon cette doctrine, par exemple, un pays ne peut pas introduire le service militaire. Le judaïsme n’est pas pacifiste, car il y a beaucoup de violence dans la Torah. L’harmonie, la paix et la justice sont toutefois des concepts importants dans le judaïsme. Le pacifisme soulève également de nombreuses questions intéressantes pour le judaïsme. Comment gérer ces passages violents ? La pacifisme peut-il être une source d’inspiration ? Tout au long de l’histoire, le judaïsme a souvent privilégié l’indulgence et la passivité. Peut-on considérer ces valeurs comme pacifistes ? Et en même temps, nous pouvons poser la question critique suivante : le pacifisme est-il toujours quelque chose de positif ? La légitime défense, par exemple, n’est-elle pas justifiée ?
2. La Guerre sainte est une forme de violence collective autorisée ou commandée par D.ieu.
Dans la Torah, nous trouvons de nombreux passages violents. Josué reçoit l’ordre de conquérir la Terre promise, avec beaucoup de violence. En outre, il y a aussi la guerre contre Amalek. Le roi David est connu pour ses guerres d’expansion contre les Araméens. De nombreuses guerres, comme la guerre de conquête de Josué, ont été commandées par D.ieu. La lecture du livre d’Esther, dans lequel les juifs commettent un massacre, est l’événement central de la fête de Pourim. La Torah décrit également D.ieu comme un guerrier, et les guerriers humains (Josué, David, Esther, etc.) sont décrits comme des héros. La violence au nom de D.ieu est donc un thème récurrent dans le judaïsme. Le judaïsme a donc sa propre histoire avec le phénomène de la Guerre sainte.
EXERCICE. Réfléchissez aux concepts de « pacifisme » et de « guerre sainte».
Décrivez le pacifisme avec vos propres mots.
Le judaïsme peut-il être décrit comme étant « pacifiste »? Oui/non ? Pourquoi?
Y a-t-il des idées pacifistes dans le judaïsme ?
La Guerre sainte signifie la violence collective au nom de D.ieu. Quelle est votre opinion à propos de la Guerre sainte ? La Guerre sainte peut-elle se justifier ?
Pensez-vous que la Guerre sainte existe aussi dans le judaïsme ?
EXERCICE. Choisissez dans la liste suivante une affirmation à laquelle vous vous identifiez le plus. Expliquez pourquoi.
• « La guerre n’est jamais justifiée. »
• « La paix ne peut exister qu’aux côtés de la guerre. »
• « Ne faites jamais rien dans une guerre qui rende la réconciliation impossible après. »
• « Un monde sans violence n’est pas réaliste. »
• « La violence commence ou finit avec soi-même. »
• « Même en temps de paix, il est important pour un pays d’investir dans les armes. »
• « Risquer sa propre vie pour un étranger dans un autre pays est inutile. »
4.3 La guerre dans la Thora
Une théorie de la guerre qui vise à causer le moins de dommages et de souffrances possible est appeléethéorie de la guerre juste. Une telle théorie établit des règles qui régissent le début, le déroulement et la fin d’une guerre. Ces règles ont pour but de rendre la guerre aussi juste que possible. Dans la tradition juive, nous ne trouvons pas de théorie élaborée de la guerre juste.
Nous sommes donc limités dans notre expression sur la guerre. Dans la Torah, nous trouvons un texte tiré du livre du Deutéronome qui traite de la guerre. Ce texte fait l’objet de discussion dans le Talmud. Lisons d’abord le texte, puis discutons de la manière dont le Talmud approfondit ce texte.
[5] Ensuite les préposés parleront au peuple en ces termes: “Si quelqu’un a bâti une maison neuve et n’en a pas encore pris possession, qu’il parte et s’en retourne à sa maison; car il pourrait mourir dans la bataille, et un autre en prendrait possession. [6] Si quelqu’un a planté une vigne et n’en a pas encore acquis la jouissance, qu’il parte et s’en retourne chez lui; car il pourrait mourir dans la bataille, et un autre acquerrait cette jouissance. [7] Et si quelqu’un a promis mariage à une femme et ne l’a pas encore épousée, qu’il parte et s’en retourne chez lui; car il pourrait mourir dans la bataille, et un autre homme l’épouserait.” [8] Les préposés adresseront de nouveau la parole au peuple, et diront: “S’il est un homme qui ait peur et dont le coeur soit lâche, qu’il se retire et retourne chez lui, pour que le coeur de ses frères ne défaille point comme le sien!” [9] Alors, les préposés ayant fini de parler au peuple, on placera des officiers de légions à la tête de l’armée. [10] Quand tu marcheras sur une ville pour l’attaquer, tu l’inviteras d’abord à la paix. [11] Alors, si elle te répond dans le sens de la paix et t’ouvre ses portes, tout ce qu’elle renferme d’habitants te devront tribut et te serviront. [12] Mais si elle ne compose pas avec toi et veut te faire la guerre, tu assiégeras cette ville. [13] Et l’Éternel, ton Dieu, la livrera en ton pouvoir, et tu feras périr tous ses habitants mâles par le tranchant de l’épée. [14] II n’y aura que les femmes, les enfants, le bétail, et tout ce qui se trouvera dans la ville en fait de butin, que tu pourras capturer; et tu profiteras de la dépouille de tes ennemis, que l’Éternel, ton Dieu, t’aura livrée. [15] Ainsi procéderas-tu pour toutes les villes situées très loin de chez toi, qui ne font point partie des villes de ces nations; [16] mais dans les villes de ces peuples que l’Éternel, ton Dieu, te donne comme héritage, tu ne laisseras pas subsister une âme. [17] Car tu dois les vouer à l’extermination, le Héthéen et l’Amorréen, le Cananéen et le Phérézéen, le Hévéen et le Jébuséen, comme te l’a commandé l’Éternel, ton Dieu, 18 afin qu’ils ne vous apprennent pas à imiter toutes les abominations commises par eux en l’honneur de leurs dieux, et à devenir coupables envers l’Éternel, votre Dieu.
Uit deze tekst komen vier zaken naar voren:
1) Un accord de paix est obligatoire avant toute attaque. Aujourd’hui
encore, il est toujours important de prévenir autant que possible la
violence.
2) Il existe quatre raisons valables pour suspendre le service militaire.
Du fait de ces quatre raisons, un juif n’a pas besoin d’aller à la guerre. Les
raisons sont les suivantes : un vignoble récemment planté, des fiançailles
récentes, une maison nouvellement construite et la peur. De nombreux
pays ont un service militaire obligatoire. La Torah reconnaît qu’il existe
des exceptions, des raisons de suspendre le service militaire.
3) La raison de la guerre est d’empêcher le peuple juif d’être affecté par
la méchanceté des peuples avec lesquels il partage un territoire. Les «
choses abominables qu’ils font pour leurs dieux » ne doivent pas être
adoptées par les juifs.
4) La Torah fait une distinction entre les villes qui sont « à une grande
distance », à l’extérieur de la Terre Promise, et celles qui sont proches,
dans la Terre Promise. Cette distinction renvoie au troisième point.
4.4 La guerre dans le Talmud
La Mishna se penche vers le passage sur la guerre discuté ci-dessus, et demande dans quel cas les quatre raisons de suspendre le service militaire sont valables. « À quel type de guerre tout cela se réfère-t-il ? » (Michna Sotah 2). La Mishna répond à cette question en faisant la distinction entre une guerre commandée (milchemet mitsva) et une guerre facultative (milchemet reshut).
Une milchemet mitsva ou guerre commandée est un commandement de D.ieu . Une guerre ordonnée est nécessaire et ne souffre aucune exception. Tout le monde doit aller au combat. Ainsi, selon le Talmud, une guerre ordonnée peut avoir lieu même le jour du sabbat. Une guerre facultative est discrétionnaire. Cette guerre se justifie par diverses raisons. Une guerre discrétionnaire est toujours possible, mais elle n’est pas le résultat d’un commandement divin. La Gemara s’appuie sur cette distinction. Nous parlerons séparément du Talmud de Jérusalem et du Talmud de Babylone, car chacun d’eux avance sa propre vision.
4.4.1 Le Talmud de Jérusalem
Le Talmud de Jérusalem définit une guerre facultative comme étant celle qu’Israël déclare. Il n’est pas ordonné à Israël d’attaquer qui que ce soit. Et comme la Terre promise est déjà conquise, de nouvelles guerres ne servent qu’à étendre le territoire. Une guerre ordonnée est une guerre obligatoire, tout le monde doit y participer. Selon le Talmud de Jérusalem, seules les guerres de Josué et les guerres défensives sont des guerres commandées.
Le Talmud de Jérusalem reconnaît le droit à l’autodéfense. Pour les rabbins, cela signifiait que, puisque la Terre promise avait été conquise, ils devaient maintenant aussi la protéger. Une conclusion importante peut en outre être tirée du Talmud de Jérusalem. Selon le Talmud de Jérusalem, seules les guerres défensives et les guerres de conquête de Josué sont des guerres commandées, et donc saintes. Ces guerres ont toutefois eu lieu il y a des milliers d’années. Le Talmud de Jérusalem semble donc affirmer que les guerres saintes ne sont pas possibles aujourd’hui.
4.4.2 Le Talmud de Babylone
Le Talmud de Babylone a une perspective différente. Le Talmud de Babylone est d’accord avec le Talmud de Jérusalem sur deux points : une guerre facultative est une guerre qu’Israël déclare, et les guerres de conquête de Josué étaient des guerres commandées, obligatoires. Le Talmud de Babylone ne mentionne toutefois pas les guerres défensives. Il donne cependant un exemple supplémentaire de guerres discrétionnaires : les guerres de conquêtes de David. Les guerres de conquêtes ne servent qu’à étendre le territoire. Les attaques préventives ont un statut différent.
Une attaque préventive est une action militaire qui vise à affaiblir l’ennemi au préalable, pour éviter une attaque hostile. Les attaques préventives constituent une zone un peu floue. Le fait qu’elles soient commandées dépend du degré de certitude que l’on peut établir qu’elles empêchent une attaque. Le Talmud semble suggérer que si cela peut être déterminé avec certitude, des attaques préventives sont commandées.
La guerre dans le Proche-Orient ancien était différente de la guerre actuelle. Les guerres facultatives devaient être autorisées par le Sanhedrin, le tribunal juif. En outre, l’oracle Urim VeTumim devait être consulté (Talmud de Babylone, berakhot 3b, Sanhedrin 16b). Le peuple juif n’était donc autorisé à partir en guerre que si le Sanhédrin et l’oracle le permettaient. Un chef ou un roi n’avait pas carte blanche ! Aujourd’hui, le Sanhédrin et l’oracle n’existent plus.
Les communautés de la diaspora ne disposent pas de leur propre armée. C’est pourquoi les discussions juives sur la guerre portent généralement sur l’État d’Israël et sur ses guerres. Tous les juifs ne sont pas également attachés à l’État d’Israël, mais une discussion saine sur la guerre et la paix nous aide à mieux comprendre le monde. La distinction entre les guerres commandées et les guerres facultatives est toujours d’actualité. Elle permetd’expliquer pourquoi certaines guerres sont importantes pour certains juifs. La question de savoir si une guerre par Israël est commandée ou facultative est un point de discussion actuel. Le Talmud nous donne matière à réflexion.
Discrétionnaire
Commandé
Mishna
Suspension du service militaire.
Pas de suspension du service militaire.
Talmud de Jérusalem
Israël déclare
Les guerres de Josué et les guerres défensives
Talmud de Babylone
Israël déclare, les guerres de David (attaques préventives)
Les guerres de Josué (attaques préventives)
EXERCICE. Réponds aux questions suivantes.
Une guerre commandée...
Une guerre discrétionnaire...
Correct ou erroné. « Selon le Talmud, de futures guerres sont possibles. » Motive ta réponse.
Trouves-tu le concept de « guerre commandée » crédible ? Y crois-tu ? Oui/non ? Pourquoi ?
Penses-tu qu’une attaque préventive soit acceptable ? Oui/non ? Pourquoi ? Dans quel cas oui, dans quels cas non ?
Le Sanhédrin et l’oracle Urim VeTumim jouaient auparavant un rôle important dans la décision de déclencher une guerre. Qui a, selon toi, le droit de déclencher une guerre ? Le gouvernement, un grand groupe d’habitants, des rabbins...
La Torah stipule que si des villes hostiles n’acceptent pas un accord de paix, les habitants mâles peuvent tous être tués. Penses-tu qu’il existe des règles sur la façon dont une guerre doit se dérouler ? Ou est-ce que toute violence est autorisée ?
Glossaire
Discrétionnaire
Discrétionnaire renvoie à la capacité de juger ou d’agir indépendamment, à volonté.
Guerre sainte
Une guerre sainte est une guerre mue par un motif religieux. Une guerre sainte est parfois menée en raison d’une obligation divine, d’une prise de position religieuse, mais aussi pour défendre une terre sainte.
Pacifisme
Le pacifisme est une attitude ou une vision du monde qui recherche la paix de manière absolue. Le pacifisme rejette toute forme de violence.
Accord de paix
Un accord de paix est un accord entre deux parties, souvent des pays, pour maintenir la paix et ne pas entrer en guerre.
Justice
Le terme « justice » a plusieurs significations. Premièrement, la justice est un concept juridique. Ce qui est conforme à la loi est juste. Deuxièmement, la justice est aussi un concept moral. Agir de manière juste, c’est agir « correctement », conformément à ce qui est « bon » ou « correct ». La justice demande aussi de la pratique : personne ne fait par nature tout le temps ce qui est juste ou correct. Nous rencontrons souvent cette idée dans le Tenach !
Bibliography
Firestone, Reuven. Holy War in Judaism : the Rise and Fall of a Controversial Idea. Oxford, Oxford University Press, 2012.
- Holy War in Modern Judaism ? « Mitzvah War » and the Problem of the « Three Vows ». Journal of the American Academy of Religion. Vol. 74, n° 4 (décembre 2006), Oxford, Oxford University Press, 954-982.
The William Davidson Talmud. « Sotah 44b:1-9. » Sefaria. Consulté le 23 avril, 2021. https://www.sefaria.org/Sotah.44b.1-9?lang=bi.
Mechon Mamre Talmud Yerushalmi. « Sotah 8:10 (23a) ». Sefaria Consulté le 23 avril, 2021. https://www.sefaria.org/Jerusalem_Talmud_Sotah.23a?lang=bi.